La Bibliothèque idéale de Véronique Ovaldé

 

Véronique Ovaldé, auteure d'une dizaine de romans, connaît un succès critique
et public grandissant depuis quelques années.
Et mon cœur transparent (Prix France Culture-Télérama 2008),
Ce que je sais de Vera Candida ou encore son dernier opus, La Grâce des brigands,
peignent chacun à sa façon un univers singulier, poétique et envoutant. 

 

Les Filles du loir ont organé une rencontre autour de la Bibliothèque idéale
de Véronique Ovaldé, jeudi 5 juin 2014, à la bibliothèque Vaugirard.
L'écrivain a établi une liste de 10 œuvres (livres, cinéma, musique, etc.)
qu'elle est venue présenter au public.
Les Filles du loir ont tissé des liens subjectifs entre les titres choisis
par l'auteure et son œuvre romanesque. 

Une approche sensible de l'univers romanesque de Véronique Ovaldé,
un rendez-vous qu'il ne fallait pas manquer !

 

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La Bibliothèque idéale de Véronique Ovaldé

à la bibliothèque Vaugirard (154 rue Lecourbe, 75015 Paris)

jeudi 5 juin 2014 à 19h00 

Entrée libre dans la limite des places disponibles.

 

Bolano 2666

Roberto Bolaño, Sorti en  2004.

Traduction française par Robert Amutio en 2008 chez Christian Bourgois

 

Le dernier roman de Roberto Bolano a été publié de manière posthume. Ce projet pharaonique s’articule autour de cinq parties à la fois indépendantes et solidaires. Le lecteur se promène des deux côtés de l’Atlantique ; il voyage dans le XXe siècle européen et américain ; il s’attache, le temps de centaines de pages, à des personnages (universitaires, flics, voyous, journalistes…) que l’on recroisera peut-être plus tard, ou pas.

On s’interroge sans fin sur ce qui constitue le nœud central de l’intrigue. Deux idées se détachent pourtant. Un homme : Benno von Archimboldi, écrivain allemand né en 1920 et extrêmement secret. Un lieu : la ville mexicaine (fictive) de Santa Teresa, dans le désert de Sonora, théâtre au cours des années 1990 d’une série abominable d’assassinats de jeunes filles, demeurés impunis. L’écrivain allemand et la ville mexicaine sont les deux sujets d’investigation apparents du roman.

 


« Quel triste paradoxe, pensa Amalfitano. Même les pharmaciens cultivés ne se risquent plus aux grandes œuvres, imparfaites, torrentielles, celles qui ouvrent des chemins dans l’inconnu. Ils choisissent les exercices parfaits des grands maîtres. Ou ce qui revient au même : ils veulent voir les grands maîtres dans des séances d’escrime d’entraînement, mais ne veulent rien savoir des combats, où les grands maîtres luttent contre ça, ce ça qui nous terrifie tous, ce ça qui effraie et charges cornes baissées, et il y a du sang et des blessures mortelles et de la puanteur.» 

 

 

Le Manuel des inquisiteurs de Antonio Lobo Antunes

Traduction française par Carlos Batista en 1996 chez Christian Bourgois

 

Un domaine. Un homme. Une femme. En toile de fond : les années de la dictature de Salazar, jusqu’aux lendemains de la Révolution. Surtout une écriture fondée sur le monologue intérieur d’une série de personnages qui procèdent en quelque sorte à leur déposition, reprenant sans cesse leurs témoignages et leurs formules, se justifiant, explorant la conduite des autres, rêvant ou revoyant la leur. D’où la métaphore du titre emprunté à un vieil ouvrage.    

 

« Ce fou, donc, fut autrefois un maître. Il régnait sans partage sur son domaine de Palmela, comme il régnait en son pays. Il écrivait des discours, inaugurait des orphelinats, faisait sauter des têtes, saluait des princes anglais en visite officielle, s’achetait pour quelques mensualités une jeune fille pétrifiée de peur qu’il déguisait en épouse de notable, renversait sur la table de l’office les servantes muettes sans même prendre la peine d’ôter son chapeau de la tête, et buvait le thé en compagnie de Salazar et d’un amiral à la poitrine blindée de médailles, tout en distribuant ses conseils sur le gouvernement du monde. Mais son pouvoir fut bref. Car rien ne dure dans l’univers d’António Lobo Antunes, ni l’amour, ni la beauté, ni le pouvoir. Tous les puissants devraient s’en souvenir. »


 

 

Génération X de Douglas Coupland
Traduction française par Léon Mercadet en 1993 chez Robert Laffont


Dag, Claire, et Andy (la voix de l’histoire) font partie de cette génération qui se cherche dans un monde qui semble avoir été épuisé par les baby-boomers. Ils ont tout pris, tout vécu. Alors Dag, Claire et Andy se retranchent dans leurs bungalows, la tête remplie de slogans de pubs et de peurs. La vie s’écoule au gré de pique-niques et d’histoires racontées. Qui n’a jamais rêvé d’avoir une vie de roman ? Eux romancent la leur et se la racontent, un subtil mélange de réalité et de fiction. Ils ne sont pas aigris, ils analysent cette société et ses travers, la décortiquent avec goût et ce qu’il faut de cynisme.



 

« Mais c’est marrant d’enfoncer Tobias. C’est facile. Il incarne à mes yeux tous les gens de ma génération qui ont utilisé le meilleur d’eux-mêmes pour faire du fric et que ça ; qui votent côté portefeuille à court terme. Qui ont fini bienheureux dans les basses œuvres -  marketing, spéculation immobilière, racolage aux urgences, boursicotage. Quelle suffisance. Ils se voyaient aigles qui construisent des nids puissants, avec des joncs et des branches de chêne, mais ils ressemblaient surtout aux aigles de Californie, qui font leurs nids avec des débris de casse automobile, aussi cons que des choux de Bruxelles sortis de leur sandwich.» 

 

 

La pêche à la truite en Amérique de Richard Brautigan, 10/18

 

Publié en 1967, La pêche à la truite en Amérique est le roman qui a lancé la carrière de Richard Brautigan. Adulé par les hippies, ce curieux livre rassemble une cinquantaine de textes très courts qui ne semblent pas se succéder de façon logique. Farfelues, cocasses voire excentriques sont les adjectifs qui pourraient le mieux décrire les situations que Brautigan met en scène. Teintées de fantaisie, les histoires contées par l’écrivain s’éloignent du réalisme pour mieux critiquer la société américaine. Pleine d’audace, d’humour et d’invention poétique, la langue de Brautigan séduit encore nos contemporains pour sa créativité.

« J’avais entendu dire que la pêche était bonne là-bas, et que l’eau y était claire alors que celle des autres ruisseaux était rendue toute boueuse par la fonte des neiges dans les Montagnes de Marbre.

J’avais également entendu dire que là-bas, très haut dans les montagnes, il y avait des truites de l’est, qui vivaient dans les biefs des barrages de castors.

Le gars qui conduisait le car du ramassage scolaire m’a dessiné un plan de Grider Creek, en y indiquant les bons coins de pêche. Nous nous trouvions devant la Steelhead Lodge lorsqu’il a dessiné ce plan. C’était une journée torride. Il faisait sûrement plus de quarante.» 

 

 

L’Amant de Lady Chatterley de D.H Lawrence, Folio Classique

 

Le roman le plus connu de l’écrivain anglais D.H Lawrence est un chef-d’œuvre d’érotisme. 

Constance Chatterley, épouse frustrée parce que son mari est infirme et donc sexuellement impuissant, vit une histoire d’amour passionnelle et physique avec son garde-chasse.

Publié à Florence en 1928, le roman n’a pu être imprimé au Royaume-Uni qu’en 1960, longtemps après la mort de l’auteur (1930), tant les thèmes traités et le vocabulaire emprunté au champ lexical de la sexualité, choquèrent ses contemporains.

Roman puissamment sensuel, L’Amant de Lady Chatterley continue d’ébranler les idées reçues sur le plaisir féminin. 

 


« Derrière le cottage, le terrain s’élevait à pic, en sorte que la cour était en contrebas et fermée par un petit mur de pierre. Elle tourna encore et s’arrêta. Dans la petite cour, à deux pas devant elle, l’homme était en train de se laver, inconscient d’aucune présence étrangère. Il avait le torse nu ; sa culotte de futaine glissait le long de ses reins étroits. Et son dos mince et blanc était penché sur une cuvette d’eau de savon où il se trempait la tête, qu’il secouait d’un petit mouvement étrange et rapide, levant ses bras minces et blancs, pressant l’eau de savon hors de ses oreilles, rapide, subtil comme une belette qui joue avec l’eau et sûr d’être tout à fait seul. Constance revint devant la maison et rentra dans le bois. En dépit d’elle-même, elle était vivement émue. Après tout ce n’était qu’un homme en train de se laver. Rien de plus ordinaire.» 

 

 

My America de Phyllis Yordan, éditions ère

 

My America est un récit en prose autobiographique publié récemment aux éditions ère (janvier 2014). L’auteure y raconte de façon très directe des moments forts de son existence (de façon chronologique) marquée par l’innocence et le bonheur de l’enfance dorée en Floride, la décadence et le rejet de sa mère, l’alcoolisme et les drogues, des traumatismes tel le viol subi à l’aube de sa vie adulte. My America est un récit coup de poing qui dépeint de façon abrupte les mille et une facettes d’une femme à fleur de peau.

 


« Le véritable nom de ma grand-mère Dorothy est Dolly Belle

Harrington

Son arrière-arrière-grand-oncle était Zachary Taylor

Mon grand-oncle Carl dit Ce fut le pire président de toute 

l’histoire des Etats-Unis

Les gens disent qu’il est mort d’une chute de cheval

Mais en réalité il est mort de diarrhée

C’est de famille

Comme les mauvaises cuticules et le viol

Dorothy dit que j’ai de la chance d’être là

Parce qu’elle a failli ne pas avoir Maman

De la chance que le cabinet de l’avorteur dans le centre

de Los Angeles

était trop sale

Je lui lave le dos avec le gant vert pâle élimé

Elle a cinq trous profonds dans l’estomac

Péritonite

mais sauvée par les Scientifiques Chrétiens

C’est tout dans la tête

C’est ce qu’elle disait quand Maman vomissait dans

la voiture

En route pour le catéchisme le dimanche

C’est tout dans la tête

J’aime caresser le boudin de peau qui pend de son bras

Je lui lave le dos avec le gant

La mousse du savon doux et parfumé glisse sur sa peau

Passe sur les grains de beauté et les cicatrices et la colonne

vertébrale tordue

Dolly Belle Harrington

Ma Dorothy

Mon premier amour sincère.»

 

 

Martin Eden de Jack London, 1908

 

Jack London connaît le succès et le bonheur tandis qu’il écrit, en 1907-1908, au bord de son yacht Martin Eden, le roman d’un jeune ouvrier qui fait la dure expérience de l’incompréhension pour avoir choisi de se consacrer à la littérature. S’étant défendu contre la lecture autobiographique que l’on pouvait faire de cette œuvre, London déclare fustiger la bourgeoisie qu’il dépeint et l’individualisme qu’incarne son héros. La ressemblance entre Martin Eden et Jack London n’en demeure pas moins troublante avec la mort prématurée de l’écrivain qui se suicide en 1916.

 

« Il écrivait sans arrêt, du matin au soir et tard dans la nuit, s’interrompant seulement pour aller à la salle de lecture prendre des livres à l’abonnement, ou voir Ruth. Il était profondément heureux. La vie était intense et belle. Sa fièvre enthousiaste ne tombait jamais, car l’ivresse créatrice des Dieux était en lui. Le monde extérieur, les relents de légumes pourris et de lessive, l’apparence débraillée de sa sœur et la figure ironique de M. Higginbotham, tout cela était un rêve. Le monde véritable était celui de son cerveau et les histoires qu’il écrivait la seule réalité possible.»


 

L’Année de la pensée magique, L’Amérique (chroniques) de Joan Didion, 

 


Joan Didion est redécouverte en 2007 grâce à L’Année de la pensée magique, récit autobiographique qu’elle écrit l’année où elle perd son mari, l’écrivain John Gregory Dunne en même temps qu’elle s’occupe de sa fille gravement malade. Cette œuvre d’une rare sobriété et d’une grande humilité, est couronnée par le National Book Award. L’Amérique est un recueil de chroniques écrites dans les années 1960-1970, où la journaliste saisit avec une rare acuité l’âme déglinguée des États-Unis.  

 


« La vie change.

La vie change dans l’instant.

On s’apprête à dîner et la vie telle qu’on la connaît s’arrête. 

La question de l’apitoiement. 

Tels étaient les premiers mots que j’avais écrits après l’événement. Le document Microsoft Word (« Notes sur changement.doc ») est daté du « 20 mai 2004, 23h11 », mais sans doute l’ai-je simplement ouvert ce jour-là puis sauvegardé par réflexe avant de le refermer. Je n’avais apporté aucune modification à ce document, ni en mai, ni depuis que j’avais écrit ces mots en janvier 2004, un ou deux ou trois jours après les faits. 

Pendant longtemps je n’ai rien écrit d’autre.»

 

 

Des Anges mineurs  d’Antoine Volodine, 1999

 


Antoine Volodine est l’auteur d’une dizaine de textes lorsqu’il écrit Des Anges mineurs, un recueil de quarante-neuf instantanés qui dessinent le portrait d’une humanité qui s’épuise. Voyageurs, musiciens ou vagabonds sont les acteurs de ce livre teinté d’onirisme et d’humour. Il se voit recevoir le prix Wepler et le prix du Livre Inter en 2000.

 

« Bella Mardirossian

Soudain, au septième étage, les poules se mirent à caqueter, d’abord sur un ton modéré, et ensuite avec des stridences hystériques. Quelqu’un approchait, ou peut-être un renard, une belette. Le chien, pourtant, n’avait pas aboyé. 

Bella Mardirossian écarta les torchons qui couvraient son corps nu et elle s’assit sur le bord du lit. Elle était en sueur. Dans la chambre filtrait la lumière de l’aube, le crépuscule venait à peine de vaincre les ténèbres. Comme souvent dans la réalité ou dans ses rêves, deux geckos guettaient, immobiles, au plafond. Il faisait chaud, la moiteur rendait les mains inexpertes, sous les aisselles on avait des filets de saumure et sur les hanches. On étouffait. Quand je dis on, je pense à elle, à Bella Mardirossian et à nulle autre, évidemment, car, du grand immeuble où elle logeait, elle était l’unique occupante.»

 

 

Autres œuvres citées par Véronique Ovaldé :

Littéraure

Olivier Cadiot, Le Colonel des zouaves

les pièces de Tennesse Williams (Une chatte sur un toit brûlant, La ménagerie de verre, Un tramway nommé désir, La descente d’Orphée, etc.)

 

Cinéma

Grizzly man de Herzog

Le Mépris de Godard
Brazil de Terry Gilliam
Locataires de Kim Ki-duk

Short Cuts de Robert Altman

 

 

L’association Les Filles du loir tient à remercier chaleureusement : 
Véronique Ovaldé pour sa participation active à la réussite de cette bibliothèque idéale,

la bibliothèque Vaugirard,

Paris bibliothèques pour son soutien depuis 2008

et le public des lecteurs qui vient toujours plus nombreux aux rencontres littéraires.



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