Gabriela Adamesteanu

Bibliographie
(ce qui est traduit en français) :


Une Matinée perdue, 2005 (trad Alain Paruit)

Vienne le jour, 2009 (trad Marily Le Nir)

Situation provisoire, 2013 (trad Nicolas Cavaillès)

 

Gabriela Adamesteanu a aussi écrit des nouvelles, dont quelques unes (trop rares) ont paru en revues.

 

La bibliothèque idéale de Gabriela Adamesteanu

La bibliothèque idéale présentée par Gabriela Adamesteanu à la bibliothèque Marguerite Audoux, samedi 22 novembre à la bibliothèque Marguerite Audoux

 

 

Le Rouge et le noir, Stendhal, 1830, édition Folio.

 

Écrit et publié en 1830, le roman s’inspire du procès du séminariste Berthet, à Grenoble en 1827, condamné à mort pour avoir tué, dans une église, son ancienne maîtresse, dont il avait élevé les enfants en tant que précepteur. Le personnage de Julien Sorel, ambitieux énergique à qui la gloire militaire semble désormais proscrite (le rouge), embrasse la carrière religieuse (le noir). Il devient successivement l’amant de madame de Rénal et de Mathilde de la Mole, une jeune noble orgueilleuse qu’il contraint à la sincérité et à l’amour. Sur le point de l’épouser, il est démasqué par une lettre écrite par Madame de Rénal. Alors que ses rêves et ses ambitions s’effondrent, il lui tire dessus et est condamné à mort.

Sous-titré « chronique de 1830 », Le Rouge et le noir de Stendhal présente la société de la restauration, une société gouvernée par les intérêts particuliers de la bourgeoisie libérale et de l’aristocratie, où la jeunesse marginalisée n’a plus accès aux carrières et aux destins qui se forgent dans l’histoire collective.

 

« Ah ! se disait-elle, si j’avais connu Julien il y a dix ans, quand je pouvais encore passer pour jolie !

Julien était fort éloigné de ces pensées. Son amour était encore de l’ambition : c’était de la joie de posséder, lui pauvre être si malheureux et si méprisé, une femme aussi noble et aussi belle. Ses actes d’adoration, ses transports à la vue des charmes de son amie, finirent par la rassurer un peu sur la différence d’âge. Si elle êut possédé un peu de ce savoir-vivre dont une femme de trente ans jouit depuis longtemps dans les pays plus civilisés, elle eût frémi pour la durée d’un amour qui ne semblait vivre que de surprise et de ravissement d’amour propre.» (p. 152 ).

La Cousine Bette,

Honoré de Balzac, 1847, Folio classique (2012).

 

C’est l’histoire d’une jalousie, celle de Lisbeth Fischer - la cousine Bette - qui n’aura de cesse de comploter contre les Hulot et plus particulièrement contre Adeline Hulot, sa trop belle cousine, qui incarne à ses yeux la réussite sociale et conjugale dont elle se sent lésée. Le cadre est posé, la vengeance est tapie dans l’ombre, prête à surgir pour tout détruire.

Balzac peint non seulement le machiavélisme de la vieille fille d’une manière magistrale et effroyable tout comme celui des courtisanes. Mais surtout, il n’enferme pas ce roman de la femme dans un drame familial et de l’individu, au contraire il l’installe dans un tableau d’un moment d’histoire française, d’où sa dimension parisienne et politique souvent haute en couleur.

 

« Cette tirade ira comme une flèche au coeur de bien des familles. On voit des madame Marneffe à tous les étages de l’État social, et même au milieu des cours ; car Valérie est une triste réalité, moulée sur le vif dans ses plus légers détails. Malheureusement, ce portrait ne corrigera personne de la manie d’aimer des anges au doux sourire, à l’air rêveur, à figures candides, dont le coeur est un coffre-fort.» (p. 173).

 

« Marat, en femme et à cet âge, eût été, comme la Saint-Estève, une image vivante de la Terreur. Cette vieille sinistre offrait dans ses yeux clairs la cupidité sanguinaire des tigres. Son nez épaté, dont les narines agrandies en trous ovales soufflaient le feu de l’enfer, rappelait le bec des plus mauvais oiseaux de proie. Le génie de l’intrigue siégeait sur son front bas et cruel. Ses longs poils de barbe poussés au hasard dans tous les creux de son visage, annonçaient la virilité de ses projets. Quiconque eût vu cette femme, aurait pensé que tous les peintres avaient manqué la figure de Méphistophélès… » (p. 390).

Madame Bovary, Gustave Flaubert, 1856, édition Folio.

 

Publié en 1856 en revue, l’année suivante en librairie, le roman Madame Bovary raconte l’histoire d’Emma, provinciale d’origine paysanne élevée en demoiselle au couvent, qui épouse malgré elle un médiocre médecin de province, lourdaud dont le manque d’esprit et d’ambition la rend malheureuse. Elle tente de s’éblouir en le trompant avec Léon puis Rodolphe, deux hommes falots. Criblée de dettes, elle finit par mettre fin à ses jours en avalant de l’arsenic.

Flaubert rédige Madame Bovary pendant les années 1850, à son retour d’Orient. Parmi les sources, on peut citer le fait-divers qui vit la mort des époux Delamare, les amours passionnés de Louise Colet, les malheurs de Louise Pradier, sa maîtresse, mais aussi les souvenirs de promenades en compagnie de son père dans le bocage normand. Cependant le roman ne ressemble ni au roman de fait-divers, ni à la
« tranche de vie » naturaliste, ni à la simple satire du romantisme. Si le roman dresse en effet un tableau féroce de la bourgeoisie provinciale, il ne faut pas oublier qu’Emma, auquel Flaubert n’hésite pas à s’identifier dans ses lettres, est habitée par une aspiration qui ne la quitte pas et qui fait la grandeur du personnage. C’est cette aspiration sincère à l’amour qui permet de mélanger ici satire et tragédie, faisant

d’Emma un véritable Dom Quichotte de l’amour, et une héroïne immortelle.

 

« Madame Bovary, quand elle fut dans la cuisine, s’approcha de la cheminée. Du bout de ses deux doigts, elle prit sa robe à la hauteur du genou, et, l’ayant ainsi remontée jusqu’aux chevilles, elle tendit à la flamme, par-dessus le gigot qui tournait, son pied chaussé d’une bottine noire. Le feu l’éclairait en entier, pénétrant d’une lumière crue la trame de sa robe, les pores égaux de sa peau blanche et même les paupières de ses yeux qu’elle clignait de temps à autre. Une grande couleur rouge passait sur elle, selon le souffle du vent qui venait par la porte entrouverte. De l’autre côté de la cheminée, un jeune homme à chevelure blonde la regardait silencieusement.» (p. 136).

Anna Karénine, Léon Tostoï, [1877], 1885, Gallimard 1952,

Folio Classique (1996).

 

Anna Karénine apparaît comme un roman de l’adultère, envisagé sous plusieurs aspects, et comme une fresque de la société russe aux lendemains de l’abolition du servage. Les analyses politiques et sociales se mêlent aux analyses psychologiques, dans ce que l’auteur considérait comme une « expérience de laboratoire ». Paru en feuilleton dans la revue Le Messager russe, il portait comme titre initial Deux mariages, deux couples. Anna Karénine, mariée à Karénine, haut-fonctionnaire pétersbourgeois, et mère d’un garçon de huit ans, vient rendre visite à son frère Stepan Oblonski, dont l’épouse Dolly vient d’être trahie. C’est à l’occasion de ce voyage destiné à réconcilier les deux époux que l’héroïne fait la rencontre

de l’officier Vronski, aussi séduisant que brillant. L’amour est immédiat, et Anna Karénine, malgré sa situation, cède à la passion pour Vronski, pour le plus grand malheur de la jeune soeur de Dolly, Kitty, qui vient de refuser sa main à Constantin Lévine, pensant que Vronski était sur le point de lui faire sa demande. La liaison entre Anna Karénine et Vronski fait scandale, et après avoir failli mourir en accouchant d’un enfant de son amant, Anna Karénine et Vronski s’enfuient à l’étranger pour vivre librement leur passion. Pendant ce temps  Kitty épouse Lévine et commence une vie nouvelle, loin des mondanités. Tolstoï ne recule pas devant le sens du tragique : la passion amoureuse resserre son étau autour du couple Karénine-Vronski, jusqu’à ce que l’irréparable survienne, irréparable dont les signes avantcoureurs étaient présents dès le début du roman. La société russe toute entière est présente dans ce roman, et une place toute particulière est faite à la place qu’occupent les femmes, jeunes filles à marier, ou mariées déjà, dans cette société largement dominée par les hommes.

 

« Mais ce jour-là, Anna était absolument seule. Elle attendait sur la terrasse le retour de son fils surpris par la pluie au cours d’une promenade. Elle avait envoyé à sa recherche un domestique et une femme de chambre. Vêtue d’une robe blanche garnie de larges broderies, elle était assise dans un coin, cachée par des plantes, et n’entendait point venir son amant. La tête penchée, elle appuyait son front sur le métal froid d’un arrosoir oublié sur la balustrade et qu’elle retenait de ses deux mains chargées de bagues si familières à Vronski. La beauté de cette tête aux cheveux noirs frisés, de ce cou, de ces bras, de tout l’ensemble de la personne causait toujours au jeune homme une nouvelle surprise. Il s’arrêta et la contempla avec transport. Elle sentit d’instinct son approche, et il avait à peine fait un pas, qu’elle repoussa l’arrosoir et tourna vers lui son visage brûlant. […]

Je suis enceinte, murmura-t-elle lentement. La feuille qu’elle tenait entre ses doigts tressaillit encore davantage, mais elle ne le quitta point des yeux, cherchant à lire sur son visage comment il prendrait cet aveu. Il pâlit, voulut parler, mais s’arrêta, baissa la tête et laissa tomber la main qu’il tenait entre les siennes. “

 

"Oui, se dit-elle, il sent toute la portée de cet événement.” Elle l’en remercia d’un serrement

de main. Mais elle se trompait en croyant qu’il donnait à la chose l’importance qu’elle y attachait

en tant que femme. Cette nouvelle avait d’abord fait naître en lui un accès de dégoût plus violent que jamais ; mais il comprit aussitôt que la crise qu’il souhaitait était arrivée : on ne pouvait plus rien cacher au mari et il fallait sortir au plus tôt, à n’importe quel prix, de cette situation odieuse. » (p.211-212).

À la recherche du temps perdu, Marcel Proust,

sept tomes entre 1913 et 1927, Gallimard, Collection Folio classique (1999).

 

La Recherche hante tout lecteur, que l’on s’en souvienne, ou qu’on la désire. Marcel Proust, dans cette oeuvre qui marque le vingtième siècle d’un sceau indélébile, raconte l’histoire de Marcel, jeune narrateur sensible, son initiation à l’amour et à l’art, dans un immense récit qui mêle introspection et observation, le monde et le moi, sans que le monde ne puisse être considéré comme extérieur au moi. Le monde est en effet en chacun de nous, dans ses infinies richesses auxquelles répondent les infinies richesses de notre moi. Il est coutumier d’évoquer, pour parler de La Recherche, des grands thèmes comme l’amour et la jalousie, la société mondaine, la peinture et la musique, la mémoire et le temps, mais cela semble bien réducteur, comme tout ce que l’on peut dire, en quelques lignes, sur cette oeuvre écrite dans un style inimitable, aux phrases qui éclairent simultanément les aspects du monde et les profondeurs du moi. Paul Valéry écrit en 1923 dans l’ « Hommage à Marcel Proust » publié par la N.R.F. :

« On peut ouvrir le livre où l’on veut : sa vitalité ne dépend point de ce qui précède ; elle tient

à ce qu’on pourrait nommer l’activité propre du tissu même de son texte. »

 

« - Dire que j’ai gâché des années de ma vie que j’ai voulu mourir, que j’ai eu mon plus grand

amour, pour une femme qui ne me plaisait pas, qui n’était pas mon genre ! » Du côté de chez

Swann, Gallimard, « Folio », (p. 375).

 

« Car aux troubles de la mémoiresont liées les intermittences du coeur. C’est sans doute l’existence de notre corps, semblable pour nous à un vase où notre spiritualité serait enclose, qui nous induit à supposer

que tous nos biens intérieurs, nos joies passées, toutes nos douleurs sont perpétuellement en notre possession. Peut-être est-il aussi inexact de croire qu’elles s’échappent ou reviennent. En tous cas, si elles restent en nous, c’est la plupart du temps dans un domaine inconnu où elles ne sont de nul service pour nous, et où même les plus usuelles sont refoulées par des souvenirs d’ordre différent et qui excluent toute simultanéité avec elles dans la conscience. Mais si le cadre des sensations où elles sont conservées est ressaisi, elles ont à leur tour ce même pouvoir d’expulser tout ce qui leur est incompatible, d’installer seul en nous le moi qui les vécut. Or comme celui que je venais subitement de redevenir n’avait pas existé depuis ce soir lointain où ma grand-mère m’avait déshabillé à mon arrivée à Balbec, ce fut tout naturellement non pas après la journée actuelle que ce moi ignorait, mais – comme s’il y avait dans le temps des séries différentes et parallèles – sans solution de continuité, tout de suite après le premier soir d’autrefois, que j’adhérai à la minute où ma grand-mère s’était penchée vers moi. » Sodome et Gomorrhe, Gallimard, « Folio », (p. 153- 154).

 

« Une image offerte par la vie nous apportait en réalité à ce moment-là des sensations multiples et différentes. […] Une heure n’est pas qu’une heure, c’est un vase rempli de parfums, de sons, de projets et de climats. Ce que nous appelons la réalité est un certain rapport entre ces sensations et ces souvenirs qui nous entourent simultanément – rapport que supprime une simple vision cinématographique, laquelle s’éloigne par là d’autant plus du vrai qu’elle prétend se borner à lui – rapport unique que l’écrivain doit retrouver pour en enchaîner à jamais dans sa phrase les deux termes différents. On peut faire se succéder

indéfiniment dans une description les objets qui figuraient dans le lieu décrit, la vérité ne commencera qu’au moment où l’écrivain prendra deux objets différents, posera leur rapport, analogue dans le monde de l’art à celui qu’est le rapport unique de la loi causale dans le monde de la science, et les enfermera dans les anneaux nécessaires d’un beau style. Même, ainsi que la vie, quand en rapprochant une qualité commune à deux sensations, il dégagera leur essence commune en les réunissant l’une et l’autre pour les soustraire aux contingences du temps, dans une métaphore. […] je m’apercevais que ce livre essentiel, le seul livre vrai, un écrivain n’a pas, dans le sens courant, à l’inventer puisqu’il existe déjà en chacun de nous, mais à le traduire. Le devoir et la tâche d’un écrivain sont ceux d’un traducteur. » Le Temps retrouvé, Gallimard, « Folio », (p. 195-197).

Un barrage contre le Pacifique

Marguerite Duras, 1950, Folio, (1991).

 

Ce roman d’inspiration autobiographique au ton à la fois ironique et tragique mêle plusieurs récits. Il pose d’abord un décor sauvage, tendu et moite : l’Indochine française, dans lequel se dresse le roman d’une lutte ardente, celle de la mère contre les éléments, l’administration coloniale, elle-même, ses enfants et pour sa terre. Un combat sans fin semble-til. Aussi se retrouve le roman initiatique tant dans les figures féminines que masculines. Ces deux entités à la fois proches et pourtant si fuyantes. Enfin, le roman de la séduction avec la fille dans le rôle de la femme appât. C’est l’occasion pour Suzanne de découvrir la sensualité masculine, la sienne, ses désirs et surtout son pouvoir sur les hommes.

 

« Le jour viendrait où une automobile s’arrêterait enfin devant le bungalow. Un homme ou une femme en descendrait pour demander un renseignement ou une aide quelconque, à Joseph ou à elle. Elle ne voyait pas très bien quel genre de renseignements on pourrait leur demander : il n’y avait dans la plaine qu’une seule piste qui allait de Ram à la ville en passant par Kam. On ne pouvait donc pas se tromper de chemin. Quand même, on ne pouvait pas tout prévoir et Suzanne espérait. Un jour un homme s’arrêterait, peut-être, pourquoi pas ? parce qu’il l’aurait aperçue près du pont. Il se pourrait qu’elle lui plaise et qu’il lui propose de l’emmener à la ville. Mais, à part le car, il passait peu d’autos sur la piste, pas plus de deux ou trois dans la journée.» (p. 21).

 

« Jamais Joseph ni Suzanne n’en chantaient les paroles. Ils en fredonnaient l’air. Pour eux c’était ce qu’ils avaient entendu de plus beau, de plus éloquent. L’air coulait, doux comme du miel. M. Jo prétendait que Ramona ne se chantait plus à Paris depuis des années déjà, mais peu leur importait. Lorsque Joseph le faisait jouer, tout devenait plus clair, plus vrai ; la mère qui n’aimait pas ce disque paraissait plus vieille et eux ils entendaient leur jeunesse frapper à leurs tempes comme un oiseau enfermé. » (p. 85-86).

Les Choses. Une histoire des années soixante,

Georges Perec, 1956, 10/18 (2010).

 

Il s’agit du premier ouvrage de Georges Perec, publié par Maurice Nadeau en 1956. Il relate l’existence monotone d’un jeune couple parisien, tous deux psychosociologues, dans les années 1960. Les deux jeunes gens n’ont qu’un désir, incessant, celui de posséder. C’est par les choses donc, qu’ils ont ou qu’ils souhaitent avoir, que le couple est décrit, par leurs attitudes face à ces choses qui envahissent leur existence, et leur psyché. Le récit analyse l’idée que l’on se fait des objets, transmise par le langage publicitaire, et joue des accumulations et des descriptions, donnant à lire le pouvoir démesuré des choses dans la société française des années soixante.

 

« Les chemins qu’ils suivaient, les valeurs auxquelles ils s’ouvraient, leurs perspectives, leurs désirs, leurs ambitions, tout cela, il est vrai, leur semblait parfois désespérément vide. Ils ne connaissaient rien qui ne fût fragile ou confus. C’était pourtant leur vie, c’était la source d’exaltations inconnues, plus que grisantes, c’était quelque chose d’immensément, d’intensément ouvert. Ils se disaient parfois que la vie qu’ils mèneraient aurait le charme, la souplesse, la fantaisie des comédies américaines, des génériques de Saül Bass ; et des images merveilleuses, lumineuses, de champs de neige immaculés striés de traces de skis, de mer bleue, de soleil, de vertes collines, de feux pétillant dans des cheminées de pierre, d’autoroutes audacieuses, de pullmans, de palaces, les effleuraient comme autant de promesses. » (p. 35).

Dernière nuit d’amour, première nuit de guerre,

Camil Petrescu, traduit du roumain par Laure Hinckel,

éd. des Syrtes, (2006).

 

Camil Petrescu est un des grands auteurs roumains qui ont marqué le vingtième siècle, poète, dramaturge et romancier. Dernière nuit d’amour, première nuit de guerre paraît pour la première fois en Roumanie en 1930. Ce roman raconte l’amour passionné de Stefan pour Ela, pendant la Première Guerre mondiale. Après leur mariage, et un héritage conséquent, les liens entre eux se distendent, comme si une nouvelle situation matérielle plus facile entravait les sentiments et nuisait à la sincérité entre les individus. Alors que la Roumanie entre en guerre, Stefan doit partir sur le front, fou de jalousie. La dernière nuit d’amour du personnage se confond avec la première nuit de guerre, dans un enchevêtrement subtil des passions. L’amour et la guerre ne sont peut-être pas si éloignés et le roman montre autant de finesse dans l’analyse psychologique des sentiments que de précision et de subtilité dans celle de la place de la Roumanie dans les combats de la Première Guerre mondiale.

 

« Durant les trois jours passés à Odobesti, je fus malade ou tout comme, même si je faisais mine, parfois, d’être d’une gaieté excessive. Je découvrais ma femme avec un douloureux étonnement. Il y a des cas où des experts en tableaux anciens découvrent sous un paysage banal la madone d’un grand peintre de la Renaissance. Une cruelle ironie me dévoilait à présent, peu à peu, sous une madone que je croyais authentique, l’original : un paysage et un visage étranger et vulgaire. »( p. 104-105).