La bibliothèque idéale de Cécile Oumhani

La Princesse de Clèves

Madame de La Fayette, 1678

En 1678, madame La Fayette publie en France un court récit La Princesse de Clèves, modèle

du roman psychologique. Mademoiselle de Chartres épouse, sur les conseils de sa mère, le

prince de Clèves avant de faire la connaissance, à l’occasion du bal donné pour les fiançailles

de Claude de France, du duc de Nemours, l’une des grandes figures de la cour des

Valois. La Princesse raconte amour impossible vécu à trois, écartelé entre la passion et le

devoir, l’intime et la cour.

«Après avoir traversé un petit bois, elle aperçut, au bout d’une allée, dans l’endroit le

plus reculé du jardin, une manière de cabinet ouvert de tous côtés, où elle adressa ses pas.

Comme elle en fut proche, elle vit un homme couché sur des bancs, qui paraissait enseveli

dans une rêverie profonde, et elle reconnut que c’était que M. de Nemours. Cette vue

l’arrêta tout court.» Le Livre de Poche, p. 243

 

Les Filles du feu

Gérard de Nerval, 1854

Les Filles du feu est un recueil de nouvelles et de poésies écrites par Gérard de Nerval qui

a paru en janvier 1854, alors que Nerval est interné dans la clinique du docteur Émile

Blanche à Passy. Il se compose d’une dédicace à Alexandre Dumas, de huit nouvelles

(Angélique, Sylvie, Chansons et légendes du Valois, Jemmy, Octavie, Isis, Corilla, Emilie) et d’un

ensemble de douze sonnets (Les Chimères).

Les Filles du loir • Association de lecteurs

 

La Confusion des sentiments

de Stefan Zweig, 1927

La Confusion de sentiments est une nouvelle de Stefan Zweig parue en 1927. Le sous-titre

« Notes intimes du professeur R. de D. » dirige le lecteur vers un récit introspectif.

Roland de D. décide, en effet, à l’occasion de son soixantième anniversaire, « d’ajouter un

feuillet secret » au livre d’hommage offert par ses élèves et collègues. Car « tout y est vrai,

seul y manque l’essentiel » : celui d’où est parti l’impulsion vers le chemin de l’esprit.

Si ce texte est un hommage à l’amitié intergénérationnelle, il est surtout une histoire

d’amour entre deux hommes. Stefan Zweig plonge le lecteur dans les tourments, les

troubles et les souffrances qu’un tel amour peut provoquer au regard de la morale, de la loi

et du regard de l’autre.

« Ce chaud et froid, cette alternance d’affabilité cordiale et de rebuffades déplaisantes

troublaient complètement mes sentiments trop vifs, qui désiraient… Non, jamais je

n’aurais pu formuler nettement ce qu’à vrai dire je désirais, ce à quoi j’aspirais, ce que je

réclamais, ce à quoi visaient mes efforts, quelle marque d’intérêt j’espérais obtenir par mon

enthousiaste dévouement. Car, lorsqu’une passion amoureuse, même très pure, est tournée

vers une femme, elle aspire malgré tout inconsciemment à un accomplissement charnel :

dans la possession physique, la nature inventive lui présente une forme d’union accomplie ;

mais une passion de l’esprit, surgissant entre deux hommes, à quelle réalisation va-t-elle

prétendre, elle qui est irréalisable ? » Le Livre de Poche, p.70

 

Les Braises

de Sandor Marai, 1942

Les Braises est un roman psychologique de l’écrivain hongrois

Sándor Márai paru en 1942. Ce roman dont l’action

s’étale sur environ vingt-quatre heures narre la rencontre,

après quarante-et-un ans et quarante-trois jours de séparation,

de deux amis d’enfance dont la destinée s’est cristallisée

autour d’un événement tragique. L’oeuvre de ce romancier

a été interdite en Hongrie jusqu’en 1990.

«-Tu dois répondre aux questions que je vais te poser,

reprend le général à mi-voix. Je les ai préparées pendant les

années où je t’attendais. Je t’en poserai seulement une ou

deux auxquelles tu es le seul à pouvoir répondre.»

p.193, chapitre XVII, Le Livre de Poche.

 

Les Vagues

de Virginia Woolf, 1931

Ce roman de Virginia Woolf ressemble davantage à un long

poème en prose (« playpoem ») qu’à un roman à proprement

parler. La romancière anglaise expérimente de manière plus

poussée que dans ses précédents romans, le monologue

intérieur, en faisant s’entrelacer, au rythme du flux et du

reflux des vagues, six monologues tenus par six personnages,

autour d’un septième et énigmatique individu, Percival.

Ces monologues alternent avec de brèves descriptions de

la côte, vue à différents moments de la journée. Ce récit

choral résonne en chacun de nous comme une méditation

profonde sur l’existence, le temps qui passe, les échecs, les

désillusions, mais aussi les plaisirs les plus subtils que nous

sommes tous amenés à rencontrer.

«Le fait est que j’ai peu d’aptitude à la réflexion. J’ai besoin de concret en tout. De cette

manière seulement je mets la main sur le monde. Une bonne phrase, pourtant, me semble

avoir une existence indépendante. Mais je crois que vraisemblablement les meilleures se

font dans la solitude.» Folio, p. 104

 

Le Quatuor d’Alexandrie

de Lawrence Durrell, 1957-1960

Le Quatuor d’Alexandrie de Lawrence Durrell est une fresque magistrale tant sur le fond

que la forme. Publié entre 1957 et 1960, il se compose de quatre romans : Justine, Balthazar,

Mountolive et de Clea qui se répondent, s’éclairent sur un même ensemble d’évènements

et de personnages, situés à Alexandrie avant et pendant la seconde Guerre Mondiale.

L’absence de linéarité du récit peut, au début, déstabiliser le lecteur qui se trouve face

à une forme assez peu conventionnelle, proche de l’idée d’une suite de romans comportant

des « panneaux coulissants » comme des couches successives d’histoires à l’image

d’Alexandrie. Si ce roman a, en effet, pour sujet l’amour, c’est aussi et peut-être surtout

l’histoire d’un espace, d’une ville cosmopolite véritable source d’inspiration pour l’esprit et

la mémoire de ses habitants.

« La nuit, lorsque le vent hurle et que l’enfant dort paisiblement dans son petit lit de bois

près de la cheminée, j’allume une lampe et je vais et viens en songeant à mes amis, à Justine

et à Nessim, à Mélissa et à Balthazar. Pas à pas sur le chemin du souvenir, je reviens

vers la ville où nos vies se sont mêlées et défaites, la ville qui se servit de nous, la ville dont

nous étions la flore, la ville qui jeta en nous des conflits qui étaient les siens et que nous

imaginions être les nôtres ; bien-aimée Alexandrie ! » Buchet-Chastel, p.15

 

Gens de Dublin

de James Joyce, 1914

Le recueil de nouvelles qui annonce l’oeuvre de l’immence

Joyce, est fondé sur un projet : celui d’inscrire la

capitale irlandaise, Dublin, en littérature. Il s’agit dès

lors d’une entreprise politique tout autant qu’esthétique.

En évoquant des personnages ordinaires dans des

situations quotidiennes, dans des lieux familiers, Joyce

opére un travail topographique et anthropologique, mais

ce matériau est soumis aux visions et à la subjectivité de

chacun des « gens de Dublin », pour une représentation

de la ville et de ses habitants jamais dénuée de poésie.

 

La Route des Indes

de E.M Forster, 1924

Une jeune femme anglaise est agressée dans les grottes de Marabar, une enquête s’ensuit.

Ce fait divers ordinaire sert de point de départ a E.M. Forster (1879-1970) pour écrire le

roman de la présence anglaise aux Indes. OEuvre littéraire humaniste, La Route des Indes

est centrée sur la question de l’appréhension d’autrui, les rapports humains et l’échec de

ceux-ci.

« Ils arrêtèrent de nouveau leurs chevaux, une flamme de bonne amitié dans les yeux. Mais

elle se refroidit avec leurs corps, car les jeux physiques n’allument jamais qu’un feu fugitif.

La nationalité reprenait ses droits, mais avant que le poison en pût agir ils se séparèrent

en se saluant : « Si seulement tous étaient comme celui-là », pensa chacun d’eux.» P.77,

chapitre VI, 10/18 domaine étranger.

 

Le Pont sur la Drina

d’Ivo Andric, 1945

Le Pont sur la Drina est une grande fresque dans la bourgade de Visegrad, dont le destin

s’organise autour d’un pont sur une rivière. Les générations meurent et se succèdent,

semblables les unes aux autres, laissant derrière elles, pour tout héritage, quelques traces.

Le pont, lui, résiste bien autrement, personne ne peut le détruire, pas même la guerre. Ce

livre est paru en 1945.

«Les lunaisons se succédaient et les générations disparaissaient rapidement, mais lui demeurait,

immuable, comme l’eau qui coulait sous ses arches. Il vieillissait, naturellement,

lui aussi, mais selon une échelle de temps bien supérieure non seulement à la durée d’une

vie humaine, mais aussi à toute une suite de génération.» p.241, Le Livre de Poche.

 

Les Enfants de minuit

de Salman Rushdie, 1981

Des « feuilles à la petite odeur de safran », voilà comment le narrateur parle du livre que

nous sommes en train de lire, mais qu’il est aussi en train d’écrire. Roman primé dès sa

parution en 1981, qui fait connaître Salman Rushdie, Les Enfants de minuit est étourdissant.

Imposant, fourmillant, il se présente en trois livres qui retracent l’histoire de l’Inde

pendant une trentaine d’années. Un narrateur exubérant, fantasque et irrésistiblement

drôle, Saleem Sinai s’adresse à à sa servante (mais pas seulement) Padma, et au lecteur.

Il est né le 15 août 1947 à minuit, au moment précis de

l’indépendance de l’Inde, enfant de minuit donc doué de

pouvoirs prodigieux, comme tous les enfants nés en Inde ce

même jour entre minuit et une heure du matin. Le roman

transporte le lecteur dans des atmoshères colorées, variées,

et odorantes (l’appendice nasal occupe en effet dans le

roman une place de prime importance), dans une intrigue

à rebondissements multiples, fresque familiale, enfants

échangés, doubles, visions oniriques etc., mais il s’agit aussi

d’un livre très sérieux qui fait état d’épisodes tragiques de

l’Histoire du vingtième siècle. Même si l’Histoire est vue

par les yeux loufoques du narrateur, la critique politique est

décapante. Du Cachemire à Bombay, puis au Pakistan, le

héros narrateur / écrivain nous fait voyager, rêver, et frémir

d’horreur aussi.

 

Colline

de Jean Giono, 1929

Premier roman de Jean Giono, paru en 1929, Colline invente une nouvelle langue, charnelle

et poétique. Premier tome de la trilogie de Pan, Giono signera par la suite Un des

Beaumugnes et Regain.

Dans le hameau des Bastide blanches, en plein coeur des collines provençales, quelques

familles vivent rudement au gré des saisons. Un beau jour, la nature semble se dérégler et

déverse sa colère sur ces pauvres âmes : maladie, source d’eau tarie, incendie, etc. L’oeil noir

rôde. Et si le vieux Janet, à l’agonie, n’était pas étranger à ce chaos soudain et incontrôlable…

«Alors, il a compris que le centre de l’affaire, le noeud, moyeu de l’implacable roue, c’est

ce petit tas d’os et de peau : Janet. Tout de suite, autour de lui, il a vu la vie de la terre

gicler, en sauts de lièvre, jets de lapins, vols d’oiseaux. Sous ses pieds la terre sue des bêtes :

le déclic des sauterelles claque, les hordes de guètes grondent. Là, au bout de ce vieux cep,

une mante verte, toute déployée, darde vers la flamme son grand rostre en dent de scie. Un

bousier affolé ahane contre une source : des ruisseaux de vers ondulent sous l’herbe. La bête

qui sait, fuit.» Le Livre de Poche, pp. 156 et 157

 

Autres oeuvres citées lors de la rencontre :

Poésie

À la lumière d’hiver, Philippe Jaccottet

La rose de personne, Paul Celan

Les poèmes de Djaykour, Badr Chaker Es-Sayyab

 

Films

Charulata, Satyajit Ray

West Side Story, Jerome Robin et Robert Wise

Le regard d’Ulysse, Théo Angelopoulos

Le troisième homme, Caroll Reed

Sueurs froides, Alfred Hitchcock

 

Musique

Concertos brandebourgeois, Jean-Sébastien Bach

La mer, Claude Debussy

Porgy and Bess, George Gershwin

Le guitariste Alirio Diaz

Astrakan café, Anouar Brahem

 

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L’association Les Filles du loir tient à remercier chaleureusement :

Cécile Oumhani pour sa participation active à la réussite de cette bibliothèque idéale,

Yves Torrès et les éditions Élyzad,

la bibliothèque Couronnes et plus particulièrement Michaël Chik et Mina Blomme Karmi,

Paris bibliothèques pour son soutien depuis 2008

et le public des lecteurs qui vient toujours plus nombreux aux rencontres littéraires.