1981. Des troupes syriennes occupent le Liban. Israël envahit le sud du pays. Aucun plan de paix ne parvient à mettre un terme aux combats. L’anarchie s’empare du
pays… C’est dans ce contexte de guerre que naît Zeina Abirached. Nourrie à la bande dessinée franco-belge puis, plus tard, à Gotlib et Bretecher, c’est logiquement qu’elle suit des études de
graphisme à l'Académie libanaise des beaux-arts. Elle y découvre la calligraphie arabe, l’encre de Chine, les estampes japonaises... En 2004, elle arrive à Paris où elle intègre l'École nationale
supérieure des arts décoratifs. Là, ses découvertes portent, entre autres, les noms de Tardi, Baudoin, David B., Dupuy et Berberian, Emmanuel Guibert… Après plusieurs emplois dans le graphisme,
elle publie en France, en 2006, ses deux premiers albums – de véritables livres-objets – et participe au Festival international de la bande dessinée d'Angoulême. Son court film d'animation,
Mouton, produit dans le cadre de ses études aux arts-déco, a été sélectionné au cinquième festival international de l'animation de Téhéran.
La guerre, anormale normalité
Zeina Abirached a passé toute son enfance dans une maison située sur “la ligne verte”, zone de démarcation coupant la ville de Beyrouth en deux. Raison qui lui fait longtemps ressentir la
guerre – qui se déroule à quelques mètres de leur rue – comme étant la normalité. D’autant que pour dissimuler la réalité, la mère de Zeina Abirached invente chaque jour une histoire, une
habitude qui inspirera d’ailleurs son premier album, [Beyrouth] Catharsis et que l’on retrouvera dans d’autres de ses œuvres.
Déjà, dans son style épuré, en noir et blanc, le lecteur est confronté à la gravité de Beyrouth en guerre à travers les yeux de l’enfant. Une vision étonnée, naïve, face à une réalité du
monde qui déroute : ainsi, pendant les périodes de siège, la rue dans laquelle Zeina Abirached habite devient par la force des choses une impasse où se crée un véritable microcosme. La fin de la
guerre et l’ouverture de l’impasse vont modifier profondément ce regard, notamment sur la ville.
Zeina Abirached poursuit cette veine d’albums autobiographiques dans 38, rue Youssef Semaani. C’est la première rencontre de son œuvre avec celle de Perec. À
l’image de l’auteur de La vie, mode d’emploi, Zeina Abrirached retrace l’histoire d’un immeuble, par le biais de ses habitants, des détails qui les caractérisent les uns et les
autres.
L’hirondelle de Beyrouth
Mourir, partir, revenir, c’est le jeu des hirondelles, premier “roman graphique” de Zeina Abirached, offre encore à Beyrouth un rôle de choix. Tout au long du récit, on observe la
destinée de la cité croiser immanquablement celle de la jeune fille. Et l’auteur de préciser : « Certes, je le dis à chaque fois, j’ai eu beaucoup de chance : ma famille a été
épargnée par la guerre. Mais je reste marquée par ces événements et leur suite. Je n’ai pas fait le deuil de cette période, et des cicatrices – relatives – surgissent »… à l’image de
Beyrouth, en perpétuel changement.
Zeina Abirached se souvient
C’est à la chanson de Joe Brainard, I remember, que l’on doit le titre et la forme du Je me souviens de Georges Perec. Les souvenirs de Zeina Abirached, on
les doit à une édition du livre de Perec respectant rigoureusement la volonté de l’écrivain : ajouter quelques pages vierges à la fin du texte pour que le lecteur puisse à son tour noter ses
propres souvenirs. La jeune Libanaise s’est prise au jeu. Sauf que ces quelques pages n’auront pas suffi !
Ce dernier ouvrage est peut-être celui qui viendra clore l’enfance de Zeina Abirached à Beyrouth. Elle n’hésite pas à dire, aujourd’hui, que la boucle est bouclée, même si ça ne l’empêche
pas d’avouer « [qu’elle] le croyai[t] aussi en terminant Le Jeu des hirondelles ! »
Zeina Abirached a aujourd’hui plusieurs projets en tête : écrire un scénario, consacrer un album à son grand-père, producteur de musique orientale autodidacte, préparer un livre de recettes
libanaises…
Bibliographie
• Je me souviens — Beyrouth, éditions Cambourakis, 2009
• Mourir, partir, revenir, c’est le jeu des hirondelles, éditions Cambourakis, 2007
• [Beyrouth] Catharsis, éditions Cambourakis, 2006 (1er prix du festival de bande dessinée de Beyrouth)
• 38, rue Youssef Semaani, éditions Cambourakis, 2006
Voir le site des éditions Cambourakis
Isabelle, La Noce d’Anna, Nathacha Appanah, Folio ( Gallimard Continents noirs). À l’occasion du mariage de sa fille en France, la narratrice, journaliste et écrivain, repense à son enfance
mauricienne. Des questions de femmes.
Isabelle, Suite indienne, Paul Theroux, Grasset. Plusieurs histoires de touristes américains en Inde ou comment dépasser les clichés sur ce pays si contrasté.
Isabelle, L’Angoisse du
héron, Gaëtan Soucy, L’Escampette. Un jeu entre l’écriture et la lecture.
Isabelle, Corpus Song, Edmond Baudoin, Six Pieds sous terre. Un livre de dessins érotiques à la fois intimiste et universel.
Isabelle, Le Bureau de tabac et autres
poèmes, Fernando Pessoa. Pour ceux qui aiment la poésie de celui qui dit n’être rien mais porter en lui tous les rêves du monde.
Clarisse, Be safe, Xavier-Laurent Petit, L’école des loisirs Médium. Aux USA, on enrôle facilement ceux dont la vie est cassée par le chômage : Jérémy part en Irak, laissant son frère et sa
guitare.
Clarisse, Épigraphe, Antoine Matha, Gallimard Continents noirs. Un beau premier roman sur une amitié entre deux garçons africains, qui rêvent du « pays de Paris ».
Clarisse, Kosher humor, H. R. Rabinowitz, Allia. Un jeune homme émigre aux États-Unis et écrit à sa pieuse mère qu’il ne pourra suivre la tradition juive.
Clarisse, Un bonheur
insoupçonnable, Gila Lustiger, Stock. Un roman bourré de questions que se posent les enfants, avec plein de notes !
Zeina Abirached, Paroles, Jacques Prévert, Folio Gallimard. Pour l’humour et les jeux sur la langue !
Edmond Baudoin, Le Roi de la
Havane, Pedro Juan Gutiérrez, 10-18. Il imagine qu’il pourrait être roi ! C’est violent, méchant et quelle écriture !
Anselme, Ailleurs, Moka, L’école des loisirs Médium. Trois histoires de deux sœurs et leur père. Problèmes sociaux, rivalité des clans. Un roman d’aventures, « quand même !
»
Catherine , On s’y fera, Zoyâ Pirzâd, Le Livre de poche.En Iran, trois générations de femmes s’affrontent à l’occasion d’un
remariage.
Stéphanie, La Fille tatouée, Joyce Carol Oates, Stock La Cosmopolite. Un écrivain engage une fille étrangement tatouée. Elle en viendra à le haïr, parce qu’il est juif.
Camille, Test drive. La passion de
l’épreuve, Avital Ronell, Stock, L’autre pensée. Réflexion vivante et lumineuse d’une philosophe américaine et germaniste sur l’idiotie de notre époque et
le thème de l’expérimentation.